Les karsts de la Montagne Noire

Situation

Ils se trouvent sur le versant Sud de la Montagne Noire. Ils constituent la bordure Sud des terrains cristallophylliens de la zone axiale (gneiss et schistes). Malgré la proximité de la Mer Méditerrannée, cette région a un climat quasi continental marqué par de fortes pluies de printemps et d'automne. La pluviométrie annuelle est d'environ 700 mm à 1200 mm du Sud au Nord. Sur le Pic de Nore (1210 m), où se situent les bassins d'alimentation des principales rivières traversant le karst, elle approche les 2000 mm.

Géologie

Ces karsts se développent dans des formations paléozoïques cambriennes à dévoniennes. Ces terrains ont été plissés et charriés vers le S.S.E. Ils constituent une série de nappes tectoniques empilées les unes sur les autres.

Coupe géologique simplifiée N/S le long de la vallée de l'Argent-Double montrant les trois unités karstiques.

Dans ces nappes, les unités carbonatées forment une série de trois bandes plus ou moins étroites sub-parallèles de direction ENE/WSW, séparées par des terrains non karstifiables (schistes, grès, quartzites...).

Pour plus d'informations, voir ce site très complet sur la géologie de la Montagne Noire.

Spéléologie

Les formes souterraines sont très développées, pourtant le karst de surface est peu marqué : peu ou pas de lapiaz ni de dolines, assez peu d'entrées naturelles, pertes diffuses, quelques petites gorges. Les cavités sont importantes (Lo Gaugnas, Trassanel...) et de type horizontal. Elles résultent d'intenses circulations phréatiques ayant laissé des témoins horizontaux perchés de 100 à 330 m au-dessus du niveau de base actuel. Ces niveaux sont ensuite recoupés pour les plus anciens par les phases d'érosion consécutives à l'orogénèse pyrénéenne.

On observe la coexistence de deux types de réseaux :

Cavité
 
Développement
Dénivellation
Indice Corbel
Racine cubique
Lo Gaugnas
22500 m
- 504 / + 0
40 x 14 x 5.04 = 2822
14,13
Les Vents d'Anges
5600 m
- 344 / + 9
8 x 9 x 3.50 = 252
6,3
Grotte de Trassanel
6525 m
- 177 / + 8
7,4 x 2,5 x 1,85 = 34,2
3,25
Aven du Ruisseau de Castanviels
2000 m
- 265 / + 0
3 x 1,5 x 2,64 = 11,88
2,28
Grotte de Varennes
2604 m
- 10 / + 56
6,6 x 3 x 0,57 = 11,3
2,24
Traversée Cannac / Airolles
1900 m
- 120 / + 0
2,23 x 1 x 1,2 = 2,68
1,39
Aven de Clergue
2910 m
- 121 / + 50
2,5 x 2 x 1,71 = 8,55
2,04
Trauc de Gaubeille
1000 m
- 70 / + 0
7 x 2 x 0,6 = 8,4
2,03
Grotte de Limousis
800 m
- 40 / + 0
4 x 2 x 0,4 = 3,2
1,47
Trauc de l'Embuc
2500 m
- 56 / + 0
3 x 1,5 x 0,56 = 2,52
1,36
Grotte des Cazals
1255 m
- 89 / + 0
2,2 x 1,6 x 0,89 = 3,13
1,46
Failles de Rieussec
450 m
- 97 / + 23
1,1 x 0,7 x 1,2 = 0,92
0,97
Trou des Mages
735 m
- 100 / + 0
1,5 x 0,6 x 1 = 0,9
0,96
Grotte de la Cigale
820 m
- 91 / + 3
1,2 x 0,5 x 0,94 = 0,56
0,82
Grotte de Coroluna
432 m
- 22 / + 0
2,5 x 1 x 0,2 = 0,5
0,79
Grotte du Cirque
705 m
- 36 / + 3
1,8 x 0,5 x 0,39 = 0,35
0,7
Grotte de la Villanière
507 m
- 26 / + 9
1,35 x 0,5 x 0,35 = 0,24
0,62
Grotte des Nains
520 m
- 42 / + 0
1,4 x 0,3 x 0,42 = 0,18
0,56

Tableau spéléométrique des principales cavités de la Montagne Noire (mise à jour de Janvier 2011)

Hydrogéologie

La structuration géologique a dégagé trois unités calcaires séparées par des unités schisto-gréseuses empêchant toute relation hydrologique entre elles. Les cours d'eau allochtones coulent du Nord vers le Sud et recoupent ces trois unités calcaires. Ils se perdent à leur contact et sont ainsi capturés et drainés vers le niveau de base local (vallée de l'Orbiel). Ce phénomène est particulièrement spectaculaire en moyennes et basses eaux car les rivières aériennes s'assèchent totalement. Dans l'unité Nord le ruisseau capturé le plus lointain est distant de 15 km de l'émergence du Pestril à Lastours. Une trentaine de traçages à la fluorescéine ont permis de très bien cerner l'hydrologie de la région.

Carte hydro-spéléologique des karsts de la Montagne Noire.

Coupe E/O hydro-spéléologique du karst de l'Unité Nord.

L'Unité Nord a une superficie de 15,4 km², les sources principales (Roc d'Agnel, Pestril) ont des teneurs en ions assez faibles et une résistivité forte (plus de 4000 ohms/cm/cm²). Les colorations et l'observation in situ (Cabrespine) montrent que les circulations se font essentiellement en chenaux et ont des vitesses très rapides malgré la faible pente du système (1%). Des pompages dans la Mine de Salsigne (Villanière) dont un situé 200 m sous le niveau du Pestril ont révélé l'existence d'importantes réserves en profondeur.

L'Unité médiane a une superficie de 11,3 km², les sources principales (Las Doux, Pitche Roc, Moulin d'Artigues) présentent des concentrations en ions plus fortes et croissantes d'Est en Ouest. La résistivité et les vitesses d'écoulement baissent par contre dans le même sens. La Source de Las Doux est caractérisée par un débit intermittent irrégulier restant inexpliqué pour l'instant. Cela montre la complexité de ce réseau. Comme à l'illustre Fontaine intermittente de Fontestorbes (Fougax et Barrineuf, Ariège), un regard sur une nappe d'eau fluctuante correspondant aux intermittences a été récemment trouvé à 1,3 km en amont de la source.

L'Unité Sud a une surface de 11,3 km² ; les sources (N.D. du Cros, Font Romanel, Villeneuve...) ont des températures et des teneurs en ions plus élevées, une résistivité beaucoup moins forte et des vitesses de circulation plus lentes. Ceci indique la lenteur des transferts et l'existence de réserves en profondeur.

L'exploration spéléologique montre la même zonation des phénomènes karstiques : les cavités dans l'Unité Nord sont plus abondantes et importantes que dans l'Unité médiane et l'Unité Sud.

Un exemple de cavité, Lo Gaugnas (d'après J. Guiraud, 1977)

Lo Gaugnas est une partie du parcours (4 km à vol d'oiseau) de la rivière souterraine des pertes de la Clamoux.

La cavité se développe essentiellement dans des calcaires noirs en plaquette du Gothlando-Dévonien. Elle est située à proximité du contact avec les schistes X dans le flanc nord d'un synclinal. De très grandes galeries, polyphasées, montrent l'enfouissement progressif des eaux: très grosses conduites forcées (plus de 20 m de diamètre), grands interstrates, canyon actif.

Dans la zone terminale, la cavité quitte le flanc nord de l'autochtone. Au profit de failles Nord/Sud, elle pénètre alors dans le flanc nord de la structure synforme de Fournes (para-autochtone). L'évolution de cette cavité semble avoir été plus rapide et plus récente que celle des réseaux du flanc sud (Grotte de Trassanel...) du même synclinal.

Plan schématique de la Grotte de Cabrespine ou Gaugnas (d'après J.Guiraud, 1977).

Avec plus de 22,5 km de galeries et ses 500 m de dénivellation, c'est une des plus importantes cavités de la région et une grande cavité française à la fois pour sa longueur et pour la taille et le volume de ses galeries.

Rappelons également que cette cavité présente un intérêt minéralogique exceptionnel dont les coupelles sont un des exemples, qu'elle abrite une des colonies de chauves-souris les plus importantes d'Europe et qu'elle est aménagée pour le tourisme.