Le Pays de Sault occupe toute la partie sud-ouest du département de l'Aude et déborde largement sur l'Ariège. Sa superficie totale est de 340 km² ce qui en fait un des plus grands karsts des Pyrénées françaises. D'une altitude moyenne de 1000 m, il est soumis à un climat montagnard atténué par la proximité de la Méditerranée.
Le pays de Sault comprend au sud une zone axiale paléozoïque constituée d'un ensemble de grands plis aux flancs redressés (voir figures ci-dessous). Plus au sud encore, la proximité du complexe granitique de Quérigut a généré un métamorphisme de contact remarquable.
Cette zone axiale est relayée au nord par la zone nord-pyrénéenne mésozoïque structurée par des plis en éventail caractéristiques de la formation des Pyrénées. Enfin, le pays de Sault chevauche au nord, la zone sous-pyrénéenne d'âge cénozoïque.
Coupe géologique Nord-Sud du Pays de Sault (d'après Souquet et al., 1980).
Coupe géologique Nord-Sud entre Belvis et Nébias (d'après JP Bousquet et al., 1975).
Le pays de Sault offre un magnifique exemple de karst de moyenne montagne de type pluvio-nival. On y trouve des témoins de karstification datant de la fin de l'Éocène jusqu'à nos jours [3][4][6]. Le modelé de surface est spectaculaire avec ses surfaces d'érosion, ses bassins fermés, ses poljés, ses champs de dolines et ses lapiaz.
Le modelé souterrain est plus discret ; malgré des centaines de puits ouverts à la surface, le karst profond n'a été atteint qu'en de rares endroits et parcouru que sur de faibles distances.
La morphologie du pays de Sault est marquée par plusieurs surfaces d'érosion dont la plus caractéristique est celle de 880 - 900 m (figure ci-dessous). Elle forme de grands replats d'où vient le nom de plateau de Sault. Cette surface correspondrait à un vaste poljé traversé par un paléo-Rébenty [1]. Ce dernier a laissé un important remplissage alluvionnaire daté du Pontien (6 MA). Les grandes cavités, aujourd'hui déconnectées des réseaux actifs, comme Les Corbeaux, Las Goffias, les Oeillets, le Trabanet ou Picaussel, se seraient creusées à cette période [4].
Au Quaternaire, un soulèvement provoque une reprise de l'érosion. Le Rébenty et l'Aude s'enfoncent en formant des gorges qui recoupent les anciennes surfaces. Un nouveau potentiel de karstification est ainsi créé, matérialisé par la puissante source de Font-Maure (318 m d'altitude).
Carte morphologique du Pays de Sault.
Tableau spéléométrique des principales cavités du Pays de Sault (mise à jour de Janvier 2011)
L'hydrogéologie karstique et l'organisation du karst sont calquées sur les structures géologiques majeures. Les structures plissées (gouttières synclinales en particulier) et la stratification guident l'enfouissement et l'écoulement des eaux vers les exutoires.
Les chevauchements ne sont pas, a priori, très favorables à la karstification car ce sont des structures compressives, mais localement, la détente post-cinématique peut favoriser la formation de cavités.
Les décrochements étant des structures extensives sont plus propices à la karstification. Ils favorisent l'enfouissement rapide et parfois l'écoulement des eaux. La plupart des cavités actuellement connues (voir carte morphologique ci-dessus) se développent à leur faveur. Ainsi, les grandes structures drainantes pourraient être une succession de gouttières synclinales et de pans monoclinaux relayés entre eux par des décrochements tels que celui de La Peyre/Coudons.
La zone nord-pyrénéenne présente les plus importantes sources karstiques et les plus longs parcours souterrains du département ; celui de Camurac/Font-Maure atteint 24 km de long et 900 m de dénivellation.
De nombreux traçages ont permis de cerner les bassins d'alimentation des deux principales émergences. Celui de Font-Maure est estimé à 110 km² et correspond à peu près à la partie audoise du pays de Sault. Il fournit un débit moyen de 1 m³/s, les crues peuvent dépasser 12 m³/s.
Le bassin de Fontestorbes [1][2][3], estimé à 85 km², est plus complexe et la source compte des réserves noyées estimées à 30 millions de m³. Son bassin d'alimentation plus montagnard lui confère des débits plus importants (2 m³/s en moyenne et plus de 15 m³/s lors des plus fortes crues).
Au nord du massif, la source du Blau est une ancienne sortie importante, en cours de capture par celle de Font-Maure, mais ses crues atteignent encore plusieurs m³/s.
Dans la zone axiale, on trouve la percée la plus profonde du bassin de l'Aude entre le gouffre du Mounégou et la Font d'Argent (1200 m de dénivellation pour 8,5 km de long) ainsi que d'autres sources importantes mais mal connues, situées au voisinage de l'accident frontal de la zone axiale.
[1] Ambert P. 1980 - Recherches sur les canyons de l'Aude et le Plateau de Sault. Travaux ERA 282, n° IX, p. 73 - 83. Aix-en-Provence.
[2] Bousquet J.-P. 1975 - Étude géologique de la zone nord-pyrénéenne à l'articulation entre le pays de Sault et le bassin de Quillan (Ariège-Aude), 142 p. Thèse, Toulouse.
[3] Lagasquie J.-J. 1963 - Le relief calcaire du plateau de Sault. Revue Géographique des Pyrénées et du Sud-Ouest, t. 34, p. 11 - 32.
[4] Mangin A. 1978 - Karst du Pays de Sault, excursion sur le karst ariégeois, p. 35 - 44.
[5] Souquet P., Peybernes B., Bilotte M. & Debroas E.-J. 1980 - Nouvelle esquisse structurale des Pyrénées. Travaux du Laboratoire de Géologie, Toulouse.
[6] Taillefer F. 1985 - Idées actuelles sur les glaciations dans les Pyrénées de l'Ariège. Revue Géographique des Pyrénées et du Sud-Ouest, t. 56, f. 3, p. 323 - 338.